Je suis derrière la vitre
Je suis derrière la vitre
Le silence craquelle les minutes
Une fausse agitation règne
Avec le battement de mon cœur,
Mon corps qui pulse de douleurs,
Des pensées noires qui s’agitent
Comme des araignées géantes
Qui tissent leurs toiles envahissantes
Je suis derrière la vitre
Et plus rien ne bouge vraiment
Même lorsque je marche, je suis immobile
Mes pas glissent dans un autre monde
Habité de renoncements, de lassitude,
D’abandons et de folie,
De poignards qui se plantent dans mon cœur,
De venin qui gangrène ma chair.
Je suis derrière la vitre
Et je vois passer le monde
Je vois des sourires, des visages,
Des corps qui se déploient et dansent
Des yeux qui brillent, des bouches qui parlent
J’entends des chants qui s’élèvent vers le ciel
Je vois la vie qui se colore
De chaque humain qui brille comme une étoile,
Et je me vois, sentinelle grise,
Debout de l’autre côté de la vie.
Je suis derrière la vitre
Et je regarde tous les visages aimés
Qui défilent du passé au présent
Je vois le tien, mon ange blond éphémère
Qui me regardait en pleurant
Je vois le tien mon aimé si longtemps,
Mon ancrage, mon roc, mon phare lumineux
Qui éclaire le chemin d’un amour solide
Et me laisse au cœur cette blessure qui suinte
Et ne peut se refermer sur une histoire close.
Je suis derrière la vitre
Et je vois tous ces deuils, toutes ces pertes,
Toutes ces brûlures, toutes ces souillures,
Tous ces anéantissements, ces sabotages, ces dégouts,
Toutes ces destructions,
Toute cette envie d’en finir,
Tous ces rêves tenaces mais inaccomplis
Qui ne prendront jamais forme
Car plus rien ne tremble, plus rien ne vibre
Dans ce corps blême en perdition
La chandelle s’est consumée si vite
Et la lumière est si faible pour éclairer le présent.
Je suis derrière la vitre
Et j’ai fermé les volets
Je ne veux plus entendre le monde
Je ne veux plus parler à personne
Je ne veux plus me cogner
Encore et encore à l’impuissance,
Même s’il me reste
En pleine lumière
Ma lâcheté,
Et cette lucidité d’avoir échoué
Là où je m’attendais.
Il n’y a plus personne qui attend
Il n’y a plus de retrouvailles annoncées
Il n’y a plus d’amour à donner ou recevoir
Il y a juste le temps trop lourd et trop lent
Entre ici et l’éternité.
Je suis derrière la vitre
Et le vent de l’automne
Soulève le rideau qui retombe lourdement
Sur la vie qui n’est plus.
Louve